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What is the History of the Book?

 

James Raven

 

What is History? Series

Cambridge: Polity Press, 2018.

Paperback. 196 pages. ISBN 978-0745641621. £14.99

 

Recension d’Isabelle Baudino,

École Normale Supérieure de Lyon

 

 

 

Ce récent ajout dans la série What is History de l’éditeur britannique Polity, a été écrit par James Raven FBA, l’un des plus éminents historiens du livre, et directeur du Cambridge Project for the Book Trust. Selon le format commun aux ouvrages de la série, cette publication propose une introduction scientifique, agrémentée de notes et d’une bibliographie, très complète, visant à présenter un sous-champ particulier de la recherche historique, ses objets et ses méthodes.

La densité de ce petit volume est son seul défaut. Mais telle est la contrepartie de la portée de cette présentation qui va au-delà de la simple introduction pour offrir un état de l’art exemplaire dans le domaine de l’histoire du livre, ainsi qu’une présentation des outils, des questionnements et des perspectives de ce domaine d’études. James Raven rend hommage aux auteurs pionniers – Roger Chartier, Robert Darnton ou D.F. McKenzie – qui ont ouvert le champ des études sur le livre, cite les travaux de nombreux autres chercheurs, et rappelle le rôle capital joué par les conservateurs et les bibliothécaires. Son ouvrage est divisé en six chapitres, dont les thèmes structurent également la bibliographie. 

Le premier, intitulé « The Scope of Book History », dessine un périmètre de recherche étendu – aussi bien du point de vue temporel que spatial – et ambitieux, à la croisée de l’histoire des littératures, des sciences, des techniques, des idées et des cultures. Avec une précision sémantique remarquable, James Raven examine les formes variées et les noms divers pris par les livres depuis les tablettes cunéiformes sumériennes jusqu’aux liseuses, soulignant les perceptions changeantes de l’objet-livre et des rôles politiques, religieux, sociaux qui lui ont été attribués par les individus et les communautés [13].

Le deuxième chapitre, « Early History of the Book History », analyse comment la production de livres est allée de pair avec l’élaboration de systèmes de classements, depuis les premiers catalogues chinois jusqu’aux démarches bibliographiques initiées en Europe à l’époque moderne. Le troisième chapitre « Description, Enumeration and Modelling » est plus précisément consacré aux outils utilisés pour répertorier les collections d’incunables et d’imprimés, des inventaires et bibliographies jusqu’aux bases de données devenues indispensables à la recherche. Replaçant ces systèmes dans les contextes sociaux dans lesquels ils ont été élaborés, l’auteur raconte l’histoire captivante des catalogues et bibliographies dont dépend la production scientifique contemporaine. S’il souligne le rôle crucial du numérique dans la transformation des catalogues et bibliographies [56], il ne cache pas les biais induits par l’absence de tels outils pour certaines aires géographiques ou linguistiques [67-68].

En référence à la théorie de la communication de Harold Dwight Lasswell, le quatrième chapitre, intitulé « Who, What and How? », établit une cartographie des nombreux champs de recherche irrigués par les questions relatives à la production et à la transmission des livres. L’auteur salue l’apport des travaux et des séminaires de Peter Burke, Roger Chartier, Daniel Roche et Peter Kornicki dans la compréhension des pratiques de l’écriture, de la lecture et des figures auctoriales. Dans la lignée de la somme qu’il a écrite sur l’histoire du marché du livre en Angleterre(1), l’auteur esquisse de nouvelles pistes pour explorer l’histoire économique du livre sans omettre de prendre en compte les publications non commerciales [94], les bibliothèques ainsi que les modalités d’échange et de partage des livres [105-106]. Soucieux de « dé-nationaliser » l’histoire du livre, il engage plus particulièrement les chercheurs à élargir l’horizon de leurs recherches par des comparaisons entre les situations occidentales et asiatiques.

Le cinquième chapitre « Reading » rappelle les apports des travaux précurseurs de Janice Radway, Michel de Certeau, Paul Ricoeur, Roger Chartier et Hans Robert Jauss [117-119]. Pour autant l’histoire de la lecture et de ses représentations reste, selon l’auteur, un véritable défi pour les chercheurs. Si les sources antiques sur le sujet sont extrêmement rares, l’identification des lecteurs et la compréhension de leurs pratiques restent problématiques à toutes les époques. Il souligne combien des sources aussi précieuses que les listes de souscripteurs ou les registres de prêts des bibliothèques doivent être exploitées avec précaution pour tenter t’approcher les pratiques de lecture. Le sixième chapitre, intitulé « Consequences » revient sur les problématiques qui trament l’ouvrage : la critique de l’idée d’une révolution de l’imprimé, la nécessité d’envisager une histoire globale du livre et aussi le devenir du livre, de la lecture et des recherches sur ces sujets à l’ère du numérique. Comme l’écrit James Raven : “[...] the ways in which we think of the book and its history and of what a book has been are revolutionized by what a book might now be.” [142]

Formidable invitation à explorer les nombreux aspects de l’histoire du livre, cet ouvrage clair et très complet est une ressource incontournable pour les étudiants, les enseignants, les chercheurs et tous ceux intéressés par ce sujet. Des traductions sont en préparation dans plusieurs langues, dont le français, et cela est pertinent puisque James Raven esquisse parfaitement les contours d’une approche pluridisciplinaire d’une histoire du livre mondiale.

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(1) James Raven, The Business of Books : Booksellers and the English Book Trade, 1450-1850 (New Haven & London: Yale University Press, 2007).

 

 

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