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In the Country of Lost Borders

New Critical Essays on My Ántonia

 

Sous la direction de Stéphanie Durrans

 

Collection Intercalaires : Agrégation d’anglais

Nanterre : Presses Universitaires Paris-Nanterre, 2017

Broché. 187 p. ISBN 978-2840162575. 12 €

 

Recension de Frédérique Spill

Université de Picardie Jules Verne (Amiens)

 

 

 

In the Country of Lost Borders : New Critical Essays on My Ántonia est un recueil d’essais consacré au quatrième roman de Willa Cather, My Ántonia, paru en 1918. Il rassemble neuf articles chapeautés par une introduction de Stéphanie Durrans, qui a également dirigé le numéro. Ce volume, dernière parution de la collection « Intercalaires : Agrégation d’anglais » lancée récemment par les Presses Universitaires de Paris-Nanterre, s’adresse aux candidats préparant l’épreuve de littérature, commune aux trois options, des agrégations externe et interne d’anglais. Les neuf articles, tous rédigés en anglais, sont répartis en trois parties qui contiennent entre deux et quatre chapitres. Chacune des trois parties privilégie une approche spécifique : la première, 'Interacting with Nature', se focalise sur les représentations de l’environnement naturel dans le roman, l’espace qu’il représente, les créatures qui l’habitent. La deuxième, 'Interpretive Issues', qui est aussi la partie la plus longue, aborde le roman à travers des thématiques variées (la cartographie de l’espace, les figures du handicap, l’écriture des corps, les choix narratifs de Cather). Enfin, la troisième partie place le roman dans une perspective plus vaste autour des questions de migration et de traduction, comme l’indique son titre, 'Migration, Translation and Appropriation'. La variété des profils et des nationalités des contributeurs à ce volume est remarquable : elle fait écho à la diversité des perspectives adoptées, celles-ci n’étant pas exclusivement littéraires.

Dans le premier article, Sarah Dufaure propose une lecture écocritique du roman : l’auteure s’interroge sur la question de savoir si Willa Cather esquisse dans My Ántonia une théorie sur l’influence exercée par l’espace des Grandes Plaines du Nebraska sur l’identité et l’existence de ses personnages ou, de manière plus générale, sur l’interconnexion entre l’homme et la nature. L’analyse du motif du voyage est centrale à ce premier développement : d’après Sarah Dufaure, Cather entraîne son lecteur dans un voyage qui fait écho aux déplacements des personnages, 'a journey filled with shifting paradgims and evolving landscapes' [24]. Elle observe également la tendance de Cather à humaniser ('anthropomorphizing', écrit-elle) les éléments naturels et à naturaliser ('biomorphizing') les hommes. Dans le second article, qui s’articule autour de la notion d’enchantement, Isabel Maria Fernandes Alves illustre, à travers de nombreuses références à des sources secondaires, la volonté de Cather de lutter contre l’amenuisement de notre capacité à nous émerveiller devant « la grandeur, la beauté et le mystère des choses » [39], suggère-t-elle en citant un ouvrage de Bernice Slote. À la page 44, la polysémie du terme preservation fait l’objet d’un développement intéressant à l’occasion duquel les conserves de fruits de Mrs. Burden font écho à l’intérêt que manifeste Cather pour les questions de préservation de l’environnement. Françoise Buisson interroge dans sa contribution les représentations de la notion d’animalité dans le roman, dans la mesure où, annonce-t-elle en prélude, dans le contexte de l’expérience de la Frontière, ‘success depends on maintaining a harmonious relationship with animals or on taming the animal within oneself’ [51]. Françoise Buisson analyse la diversité du bestiaire de My Ántonia ainsi que la dimension allégorique de récits tels que ceux du serpent ou des loups, les animaux opérant souvent, argumente-t-elle, comme des catalyseurs de récits à l’intérieur du récit.

La deuxième partie de l’ouvrage s’ouvre sur un article écrit à quatre mains qui propose une approche « géo-spatiale », donc novatrice, de la lecture et de l’enseignement du roman. Emily J. Rau et Gabrielle Kirilloff s’appuient, pour ce faire, sur une série de cartes numériques élaborées à partir de sources existantes et grâce auxquelles le lecteur est invité à explorer le traitement que Cather fait de l’espace dans le roman. Dans un premier temps, les observations portent sur la manière dont la ville fictive de Black Hawk s’inspire de l’espace réel de la ville de Red Cloud lorsque Cather y grandit dans les années 1890. Dans un deuxième temps, la comparaison s’étend, de manière plus globale, aux interactions évoquées dans My Ántonia entre les Grandes Plaines et les pays d’Europe de l’est et du sud dont sont issus les personnages de nouveaux immigrants. Florent Dubois propose une lecture du roman qui relève des disability studies en se focalisant sur deux personnages secondaires : d’une part, l’idiot Marek Shimerda, le jeune frère d’Ántonia ; d’autre part, le musicien noir Blind d’Arnault. Contrastant avec « le raffinement urbain » de Jim, narrateur adulte dont le manque de compassion par rapport aux affligés est mis en lumière, ces deux personnages incarneraient, d’après l’auteur, ‘the vital energy without which art is but a lifeless form’ [99], ou encore ‘the primitive impulse that lies dormant in each of us and is necessary to our happiness, as well to the making of great art’ [102]—une énergie et des pulsions brutes que filtrent la stylisation et la technique artistique. Rita Bode examine ensuite le langage des corps dans le roman. L’idéalisation des jeunes femmes immigrées à travers les yeux du narrateur masculin fait l’objet de remarques judicieuses : ‘Ántonia’s hard physical labor, economic and social struggles, her self-denials and sacrifices lie outside of Jim’s storytelling purview. The difficulties and obstacles in the day to day struggles of the immigrant girls are subsumed into his idealizing perspective’ [110]. À l’examen de la violence des épisodes impliquant Wick Cutter (scène de la tentative de viol) ou Larry Donovan (qui abuse d’Ántonia, puis l’abandonne enceinte) succède une analyse très utile de la symbolique de la couleur brown dans l’éventail des couleurs de peaux évoquées dans le roman. Dans ‘Storytelling in My Ántonia’, Brigitte Zaugg revient sur la légitimation du narrateur dans l’introduction au roman avant de mettre en relief la singulière habilité dont ce dernier fait preuve, en dépit de l’inexpérience revendiquée. Les variations de rythme dans la narration et la manière dont Jim Burden intègre et assimile des récits secondaires dans son propre récit sont étudiées à travers l’examen détaillé de quelques exemples.

La troisième et dernière partie du recueil s’ouvre sur un article d’Aušra Paulauskiene portant sur la manière dont Cather modélise, à travers le personnage d’Ántonia, les nouvelles immigrantes venues d’Europe. Établissant, dans un premier temps, des distinctions selon les pays dont les immigrantes qui habitent le roman sont issues, l’auteure suggère ensuite que, quelle que soit leur origine, les hired girls qui donnent leur titre au deuxième livre constituent, pour reprendre l’expression de Jim, ‘almost a race apart’ [153] par opposition aux jeunes Américaines natives de Black Hawk ; elle souligne que l’énergie et les ressources dont font plus particulièrement preuve les sœurs aînées sont systématiquement valorisées. Elle rétablit enfin la distinction dans l’examen de leur devenir de femmes adultes : ‘None of the Scandinavian country girls in My Ántonia become managers of farms and / or mothers of big families. This is the prerogative of the Bohemian branch of the country girls’ [154]. La dernière contribution porte sur l’histoire de la traduction des œuvres de Cather en langue étrangère, et notamment en tchèque : Evelyn Funda s’intéresse en effet aux circonstances qui ont mené à la parution de la version tchèque de My Ántonia dès 1922 et à la réception de l’œuvre dans sa traduction.

Dans l’ensemble, même si toutes les contributions n’ont pas la même pertinence du point de vue d’un étudiant préparant l’agrégation d’anglais, ce recueil d’articles sur My Ántonia est de bonne facture : tout en rappelant efficacement certains éléments essentiels à la bonne connaissance du roman, il propose un certain nombre de lectures originales, voire novatrices, dans lesquelles le lecteur trouvera la confirmation du terrain extrêmement fertile que constituent l’écriture de Cather, son personnage éponyme et sa représentation des Grandes Plaines et des populations bigarrées qui ont contribué à leur identité.

 

 

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