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Les sœurs Grimké

De l’antiesclavagisme aux droits de la femme

 

Textes traduits et présentés par Colette Collomb-Boureau

 

Collection « Les fondamentaux du féminisme anglo-saxon »

Lyon : ENS Éditions, 2016

Cartonné. 182 p. ISBN 978-2847888010. 23 €

 

Recension de Marie-Jeanne Rossignol

Université Paris Diderot

 

 

Cet ouvrage est composé d’une introduction de 53 pages, que suivent une anthologie de textes traduits des sœurs Grimké, Angelina et Sarah, (une centaine de pages) puis une conclusion. L’ouvrage comprend également une chronologie, une bibliographie critique et un index des noms. L’introduction retrace avec allant et efficacité l’itinéraire géographique, intellectuel et militant des deux sœurs, de l’anti-esclavagisme aux droits des femmes. Nées en Caroline du sud (1792 pour Sarah et 1805 pour Angelina) dans la famille du notable et planteur John Faucheraud Grimké, elles partent pour Philadelphie, l’aînée en 1821, sa cadette en 1829, où toutes deux rejoignent la foi quaker, que caractérise alors un fort engagement anti-esclavagiste. En 1835, Angelina se rallie aux thèses immédiatistes des militants de l’« American Anti-Slavery Society » avant de publier en 1836 Appeal to the Christian Women of the South. C’est alors que sa sœur la rejoint à New York. En 1837, c’est à l’occasion de la « Anti-Slavery Convention of American Women » qu’elles rencontrent les très nombreuses femmes engagées dans le combat anti-esclavagiste et que naît alors un réseau féminin, au fondement de leur engagement ultérieur pour les droits des femmes. L’étape suivante de leur parcours se déroule à Boston, où elles commencent à militer pour la cause des femmes autant que pour l’anti-esclavagisme : en 1837 Sarah publie Letters on the Equality of the Sexes and the Condition of Woman. L’introduction se clôt sur leur dernière participation commune à une publication, celle que pilota le mari d’Angelina, Theodore Weld, American Slavery As It Is (1839). Comme l’indique la conclusion, leur réelle carrière d’auteures de textes anti-esclavagistes et féministes ne dura que quatre ans (1835-1839) [165].

On ne peut que se féliciter que soient ainsi mis à disposition du public français les textes de ces oratrices et auteures célèbres, pionnières de l’action publique des femmes aux États-Unis, qui sont ici traduits et annotés : du fait qu’elles venaient d’un État esclavagiste comme la Caroline du sud, leur parole eut un grand impact dans ces années 1830 où le mouvement anti-esclavagiste se relançait sur une base « immédiatiste », grâce à l’impulsion du radical William Lloyd Garrison. Les analyses de Mme Collomb-Boureau permettent de suivre le cheminement spirituel des deux femmes, l’importance du religieux et des Églises dans le débat anti-esclavagiste, le rôle du journal de Garrison dans la diffusion des idées anti-esclavagistes et des controverses qui y étaient liées. L’introduction présente également les idées et convictions féministes des deux sœurs,qui posèrent les bases du mouvement ultérieur.

Même s’il ne s’agit pas d’un ouvrage d’histoire, on ne peut que regretter que certaines imprécisions se soient glissées dans ce récit : l’« American Colonization Society » fut fondée en 1816 (et non 1817), par un groupe constitué d’élus de plusieurs Etats (et pas seulement de Virginiens) [21] ; ce n’est pas la « convention annuelle de la Female Antislavery Society » qui se tint à New York en mai 1837, mais l’« Anti-Slavery Convention of American Women » qui regroupait les représentantes de vingt sociétés féminines (« Female Anti-Slavery Societies ») [41]. La « bibliographie critique » est étroitement concentrée sur les sœurs Grimké et mêle les ouvrages de type « sources primaires » aux ouvrages proprement critiques, ce qui est dommage. Les notes de bas de page de l’introduction sont peu nombreuses et des occasions de préciser et d’élargir le cadre historique et intellectuel du volume sont ainsi perdues : ainsi par exemple p. 47, une référence est faire à l’ouvrage de Margaret Fuller (Woman in the Nineteenth Century), sans renvoi à l’ouvrage récent de François Specq consacré aux écrits féministes de cette philosophe transcendantaliste (Des femmes en Amérique, Paris : Éditions rue d’Ulm, 2011).

Pour qui veut comprendre les liens étroits entre anti-esclavagisme et féminisme américains au XIXe siècle, cet ouvrage offre un point d’entrée précieux.

 

 

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