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Oscar Wilde’s Elegant Republic

Transformation, Dislocation and Fantasy in Fin-de-Siècle Paris

 

David Charles Rose

 

Newcastle: Cambridge Scholars, 2015

Hardcover. xvii+609 p. ISBN 978-1443883603. £74

 

Recension de Marie-Noëlle Zeender

Université Côte d’Azur (Nice)

 

 

 

 

Le titre et le sous-titre du livre de David Charles Rose peuvent intriguer le lecteur à juste titre, car l’élégante république dont il est question est tout simplement Paris, république des lettres, de la fraternité, où règne une liberté qui semble totale mais est en réalité toute relative. Les quinze chapitres – ou plutôt essais – qui constituent l’ouvrage sont ainsi consacrés à la capitale française, dont l’auteur évoque les transformations effectuées sous l’égide du baron Hausmann et la vie trépidante qui y régnait à la fin du dix-neuvième siècle.

À travers une approche qualifiée de « méthodique », l’auteur entend apporter une contribution originale aux études wildiennes, non pas en écrivant une énième biographie de Wilde, mais plutôt en prenant en compte le contexte social, politique et culturel du Paris fin-de-siècle afin de mesurer l’impact que put avoir Wilde sur la société parisienne. Ainsi, David Rose propose au lecteur un « conte des deux villes », c’est-à-dire un Paris qui présente un double visage, une dualité, une ville à la fois bourgeoise et bohème, qui correspondait en tout point au personnage de Wilde qui, comme l’on sait, adopta le patronyme de Sébastien Melmoth à sa sortie de prison. La reconstitution du Paris haussmannien conduit l’auteur à dresser un panorama exhaustif des contemporains de Wilde. Le texte, qui fourmille de citations et d’anecdotes reflétant la richesse culturelle de la capitale est enrichi d’un nombre impressionnant de notes en fin d’ouvrage – pas moins de 3091 notes que l’on aurait préféré voir figurer en bas de page pour en faciliter la lecture. Toutefois, la ville constitue indéniablement un pôle d’attraction qui attire une population de diverses origines, les gens du peuple comme les artistes dont bon nombre d’Anglais – à cet égard, l’auteur ne manque pas de signaler qu’à l’époque l’axe Londres-Paris bénéficie d’un réseau ferroviaire qui facilite les échanges entre les deux capitales. De nombreux artistes américains succombent eux aussi au charme des lieux de divertissements et s’intègrent sans mal à la société intellectuelle parisienne. En réalité, Paris incarne l’avant-garde, et au fil des chapitres, David Rose scrute avec une minutie scrupuleuse la république des lettres qu’est Paris, et rien n’échappe au regard qu’il porte sur sa vie intense, ses cafés, ses théâtres, ses actrices adulées, ses courtisanes, ses lesbiennes même. Sur fond de naturalisme, de symbolisme, de décadentisme et d’esthétisme, les figures qui apparaissent dans le livre sont celles de Flaubert, Zola, Maupassant, Gide, Beerbohm, Schwob et une multitude d’autres qui constituent l’intelligentsia parisienne.

L’auteur fait ainsi revivre le Paris des artistes – Degas, Gauguin, Manet, Cézanne – et des littérateurs de l’époque, comme « Les Cinq » – Flaubert, Edmond de Goncourt, Zola, Tourguénieff et Daudet, qui se réunissent lors de dîners animés. Verlaine et Toulouse-Lautrec quant à eux, passent leur temps dans les cafés et les cabarets en compagnie d’autres artistes. Il évoque aussi la vie de bohème, les cafés célèbres, mais aussi les salons littéraires, où Wilde fut convié. D’après certains biographes, il y fut encensé et devint la coqueluche des dîners parisiens. Cependant, David Rose s’inscrit en faux contre de semblables affirmations, qu’il attribue à la trop grande bienveillance de Robert Sherard, premier biographe de Wilde, mais aussi à celle de Jacques de Langlade et de Richard Ellmann. En effet, selon ce dernier, Wilde « pervaded Paris ». David Rose s’inscrit en faux contre de semblables propos et s’efforce tout au long de son étude de vérifier ou d’infirmer – ce dont il ne se prive pas – les théories trop flatteuses à l’égard de celui qui était considéré comme un poète « anglais ». Il va même jusqu’à contester la gloire dont il prétendit bénéficier auprès des intellectuels et des artistes de l’époque. Ainsi, David Rose a tendance à poser des questions qui restent souvent sans réponses ou à émettre des hypothèses : Wilde a-t-il rencontré Debussy lors de ses séjours à Paris ? Quel accueil lui fut-il réservé dans les salons parisiens les plus prestigieux ? Il s’avère que même à la table de Barrès, invité par son idole Sarah Bernhardt, celui que l’on considérait comme un poète « anglais » ne fut pas pris au sérieux, mais plutôt jugé comme un « blagueur », voire un « fumiste ».

En outre, contrairement à ce qu’affirmèrent ses biographes les plus éminents, tous ceux qui le côtoyaient ne l’appréciaient pas particulièrement, à l’instar de Daudet, de Jean Lorrain ou encore de Jules Renard. Selon David Rose, Wilde ne brillait pas tant que cela par sa conversation, il monopolisait la parole dans un monologue incessant comme l’attestent certains témoignages. De même, lorsque certains évoquent la langue française que Wilde était censé maîtriser parfaitement, le doute s’installe. Ainsi, pour Salomé, qui fut à l’origine rédigé en français, il s’avère que l’aide de Pierre Louÿs, entre autres, fut des plus cruciales.

Au final, l’image de Wilde qui transparaît dans le livre de David Rose est loin d’être flatteuse, car l’auteur écorche quelque peu sa réputation et même sa légende – pour ne pas dire son mythe. Pour l’auteur, même sa fin de vie ne fut pas si misérable que cela, car Wilde avait suffisamment d’argent et ne mourait pas de faim contrairement à ce que certains biographes prétendirent.

Une telle vision « révisionniste » des années parisiennes de Wilde apporte certes un éclairage nouveau et très personnel – l’auteur s’exprime d’ailleurs à la première personne et affectionne les jeux de mots (en français) comme le montrent certains titres de chapitres comme « Paris Mutuels », « Café au Fait ». Toutefois, l’on peut s’interroger sur la démarche de l’auteur, qui délibérément ignore la dimension psychologique de l’exil, la « barrière de la langue », et surtout la personnalité de Wilde. Après tout, qu’importe que Wilde et ses admirateurs inconditionnels aient enjolivé les choses, tous croyaient peut-être à de « beaux mensonges » et c’est ce qui restera sans doute longtemps dans l’esprit du lecteur de l’auteur du Portrait de Dorian Gray.

 

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