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L’Australie et la Grande Guerre

 

Deirdre Gilfedder

 

Paris : Michel Houdiard, 2015

Broché. 156 p. (dont bibliographie 7p.) ISBN 978-2356921352. 20 €

 

Recension de Martine Piquet

Université Paris-Dauphine

 

Ce petit ouvrage se propose d’étudier le rôle crucial de la Première Guerre mondiale dans ce que l’auteure appelle « l’invention d’une mémoire nationale » australienne, en écho au titre l’ouvrage d’Eric Hobsbawm, The Invention of Tradition. Il se décompose en sept chapitres dont les deux premiers (Chapitre 1 « La Bataille de Gallipoli et la légende des Anzacs » – Chapitre 2 « Les Australiens sur le Front occidental ») sont un rappel indispensable de l’arrière-plan militaire et des circonstances dans lesquelles naquit le « mythe de l’Anzac ». Le sacrifice des troupes australo-néo-zélandaises débarquées à Gallipoli le 25 mars 1915 (par erreur dans une crique surplombée de falaises d’où les Turcs pouvaient les mitrailler tout à leur aise) fut perçu comme le moment suprême où les « coloniaux » antipodéens avaient fait aux yeux du monde (dont la Mère-Patrie britannique) la preuve de leur bravoure et gagné le droit d’être reconnus en tant que nations.

Les cas néo-zélandais et australien sont toutefois quelque peu différents, ce que Deirdre Gilfedder ne manque pas de rappeler, sans s’appesantir sur la Nouvelle-Zélande, qui n’est pas son propos central. L’auteure souligne le contraste entre l’importance démesurée prise par la désastreuse campagne des Dardanelles dans l’imaginaire australien et celle, secondaire, de la guerre sur le Front occidental, où les pertes furent autrement plus fortes et qui fit apparaître un certain nombre de fissures, notamment lors des deux référendums sur la conscription de 1916 et 1917. Pour utiles qu’ils soient, ces deux chapitres de mise en perspective ne font que rappeler des éléments connus de ceux qui s’intéressent un tant soit peu à l’histoire du Commonwealth et/ou de la Guerre de 1914-18. Le chapitre 3 (« Les Néo-Zélandais, les Aborigènes, les Maoris et les Infirmières »), comme le laissent craindre son titre et sa brièveté (9 pages), semble un peu rapporté, comme s’il avait fallu placer à tout prix quelques mots sur les grands oubliés des histoires officielles. La suite de l’ouvrage est nettement plus intéressante. La formation de sémiologue de l’auteure donne toute sa mesure dans les chapitres 4 et 5 où sont finement analysés les commémorations d’« Anzac Day » et le sort des monuments aux morts, des origines à nos jours, et ce que les évolutions révèlent de la construction de l’identité australienne contemporaine. Les grandes ambiguïtés de celle-ci, telles qu’elles apparaissent à travers la perception du mythe de l’Anzac depuis un siècle, sont présentées de manière convaincante dans les deux derniers chapitres consacrés respectivement à « La citoyenneté impériale et le nationalisme de Dominion » et « Les Anti-Anzacs » : à l’heure où les derniers « diggers » ont disparu, l’Australie devenue multiculturelle et postcoloniale le juge souvent avec sévérité.

Si ce petit opus est tout à fait digne d’intérêt, la lecture en est malheureusement quelque peu gâchée par la mauvaise qualité du français de cette auteure anglophone, qui se manifeste quasiment à chaque page. On comprend mal que cela ait échappé à ce point aux relecteurs francophones remerciés en fin d’ouvrage et qu’en bout de chaîne, le texte n’ait pas été contrôlé par l’éditeur qui promet pourtant sur son site web un « suivi technique » dans la description duquel figurent les mots « relecture » et « corrections grammaticales et typographiques ».

 

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