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Signs of Eternity

H.D.'s Trilogy

 

Nicholas Manning & Clément Oudart

 

Paris : Éditions Fahrenheit, 2013

Broché. 268 pages. ISBN 978-2954091952. 19,50 €

 

Recension de Xavier Kalck

Université Paris Sorbonne (Paris IV)

 

Parmi les ouvrages proposés aux agrégatifs dans la nouvelle collection « La littérature en cause », dirigée par Thomas Dutoit, aux éditions Fahrenheit, on trouvera cette année Signs of Eternity : H.D.'s Trilogy, sous les plumes de Nicholas Manning et de Clément Oudart. Sans doute est-il d'ailleurs nécessaire de commencer par se féliciter du choix de ce format à deux voix et deux langues, qui correspond si bien à la multiplicité des compétences attendue pareillement des candidats au concours, et assure ainsi au volume un caractère aussi unique qu'enviable.

Structuré en huit chapitres suivis d'un postlude, cet ouvrage propose deux sujets corrigés pour l'épreuve de dissertation en français, et l'ensemble fourmille comme il se doit de matière pour l'analyse de texte dans son ensemble. Le choix de la progression du propos est peut-être moins orthodoxe, mais parfaitement motivé. En effet, après une brève introduction, nous commençons directement par le détail du texte, dans un geste qui n'est pas sans rappeler celui de H.D. précisément, à l'orée de Trilogy. Ce parti-pris se révèle d'autant plus convaincant que le lecteur peu familier de l'auteur, de l'œuvre ou de son contexte, appréciera de passer outre, pour un temps, au nécessaire travail de contextualisation, afin de pouvoir plonger ainsi sans tarder dans le travail du texte. De la sorte, plutôt que de découvrir comment H.D. s'insère dans un canon déjà fixé, le lecteur prendra plus exactement la mesure, en premier lieu, de sa spécificité, qui par bien des égards vient perturber ou contredire les vérités générales de l'histoire littéraire relative à la période. Le sixième chapitre apporte un exposé utile des « Enjeux de poétique » moderniste, notamment autour du rapport à Pound et à l'Imagisme, mais également en ce qui concerne le trajet de l'auteur en tant que femme poète, avant d'aborder la question du mysticisme d'H.D. à la fois au travers de sa relation à Freud et dans la mesure où ce débat dirige en bonne part la vision qu'aura le lecteur des images et des prophéties que renferme Trilogy.

Commençant par aborder de front la question du rapport entre destruction et libération dans Trilogy, l'ouvrage pose d'emblée ce paradoxe cher à H.D., qui mobilise aussi bien les ordres du sacré que du profane, l'écriture de l'histoire comme invention littéraire, que les liens qui unissent en une certaine alchimie poétique les pôles a priori distants que constituent la rhétorique de la révélation, le premier modernisme, et une fascination symboliste, si ce n'est néo-gothique, pour l'antiquité égyptienne. Ces considérations amènent ensuite à s'interroger sur le rôle du poète tel que ce cadre poétique-là le redéfinit, à la fois en tant qu'autorité culturelle, spirituelle, et depuis sa pratique concrète de poète. À partir de ces analyses, il devient possible d'esquisser plus avant quelle est cette figure du poète comme nœud subjectif de l'histoire, à la fois témoin et devin, et comment cette position privilégiée entraîne une vision de l'histoire particulière, qui viendrait s'enrouler herméneutiquement autour d'un étonnant sujet-énergie.

 Les chapitres quatre et cinq se focalisent, pour le premier, sur la fascination d'H.D. pour les signes de toutes sortes, et leurs réalisations différentes comme outils du poétique dans l'œuvre, et pour le second, sur la régénération anticipée par ces signes comme promesse d'une transcendance, ce en quoi ces deux chapitres démontrent bien les deux faces d'une préoccupation unique, qui se referme là où l'on avait commencé, par la découverte d'une sémiotique créatrice composite, faite de ruines et de renaissance.

Les deux dissertations enfin, avec pour sujet « écriture et palimpseste », puis « les figures du corps », constituent de précieuses synthèses quant aux enjeux de l'œuvre. De la contemporanéité des temps dans le corps du texte à la recomposition du sujet depuis les différents temps de son développement, on devine un même « mode spectral et figural » chez H.D., à la conjonction duquel une même transformation s'écrit : la métamorphose continuée du palimpseste en palindrome, figure d'une inversion qui ne se penserait plus comme réversion, mais comme version infinie d'une spirale qui ressemblerait enfin à un ruban de Möbius. Le postlude qui conclut l'ouvrage évoque ainsi très justement le vertige du lecteur devant l'affolement de la monstration dont témoigne les proliférations du texte, qui n'affolera cependant plus le lecteur de ce volume. En effet, autant par la richesse de ses micro lectures que par les vastes questions qu'il aborde, Signs of Eternity : H.D.'s Trilogy se révèlera aussi utile à ses lecteurs désignés qu'à quiconque souhaiterait se familiariser avec cette œuvre et son auteur.

 

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