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Auteurs-traducteurs : L’entre-deux de l’écriture

 

Sous la direction de Christine Berthin, Laetitia Sansonetti et Emily Eels

 

Collection Chemins croisés

Nanterre : Presses universitaires de Paris Nanterre, 2018

Broché. 297 pages. ISBN : 978-2840163046. 22 €

 

Recension de Maryvonne Boisseau

Université de Strasbourg

 

 

 

 

Les traducteurs littéraires sont parfois sourcilleux sur la question de savoir s’ils sont des auteurs à part entière ou si l’autorité de l’auteur de l’original excède celle qu’il détient sur l’original en intégrant la traduction. Cette inquiétude des gens de profession est exacerbée par ce qu’on résume habituellement de l’expression « l’invisibilité du traducteur (1) » qui évoque tout à la fois la relégation du traducteur dans l’ombre de l’auteur, l’absence de considération critique pour le travail effectué et, bien souvent, pour ce qui est de la traduction de la littérature, la précarité économique. Toutefois, la question d’un statut et d’une identité n’est peut-être pas exactement celle à laquelle l’ouvrage, Auteurs-traducteurs : L’entre deux de l’écriture, répond. Le titre livre quelques indices : d’emblée, les deux termes sont liés par un trait d’union formant ainsi une entité à deux faces sans qu’il y ait nécessairement fusion. Il s’agira donc de démêler les nœuds d’une relation compliquée, en tenant compte de la diversité (le pluriel) et en n’ayant de cesse de revenir à ce que les deux faces partagent, l’écriture ; mais le lieu de l’écriture se situe « entre », entre les langues, entre deux subjectivités, entre deux cultures, et cet « entre deux » (cette interface) nous ramène à la boucle de la dialectique de l’auteur et du traducteur, ce que dit la seconde partie du titre.

Issu d’un colloque intitulé Auteurs-traducteurs : La fabrique de l’écrivain, organisé par les directrices du volume en 2016 à l’Université de Paris Ouest Nanterre La Défense (2), cet ouvrage (297 pages), inscrit la complexité de la dialectique auteurs-traducteurs au cœur d’une structuration dont l’imbrication des parties semble être le principe organisateur. Quatorze contributions (écrites en français) sont réparties en six sections, chacune correspondant à une facette de la problématique. Leur titre oriente le lecteur, à moins qu’il ne justifie la répartition choisie. Ces six parties sont elles-mêmes encadrées par une introduction signée de Christine Berthin et Laetitia Sansonetti, et une conclusion signée de Laetitia Sansonetti. L’ensemble est précédé d’un prologue et suivi d’un épilogue qui donnent le LA de l’ouvrage. Enfin, un poème de Erri De Luca, de douze vers, « Astinenze / Abstinences », extrait du recueil bilingue Aller simple (3) (trad. Danièle Valin), placé en exergue, chapeaute la totalité. En fin de volume, le lecteur trouvera le résumé de chaque article en français et en anglais ainsi qu’une présentation de chaque auteur. Les références des ouvrages cités sont indiquées en notes de bas de page.

Le prologue et l’épilogue, respectivement de Tiphaine Samoyault (« Traduire, écrire ») et Alexander Dickow (« l’autotraduction - un témoignage »), engagent une tonalité, celle d’une conversation avec un lecteur, et un registre, celui à la fois familier et distant du partage du savoir et de l’expérience avec un public averti, que cette expérience soit celle de l’écriture et de la traduction (Samoyault), ou celle de l’écriture et de l’autotraduction (Dickow). Ce que ces deux auteurs transmettent est à la fois incontestable (parce que « vécu ») et, sans doute, in-transposable parce que nourri d’une expérience singulière. Aussi ces deux textes fonctionnent-ils bien comme cadre (à la manière du cadre d’un tableau) dans lequel les articles sélectionnés relèvent de styles différents qui sont autant d’affirmations de soi-même comme chercheur, auteur, ou comme auteur-traducteur, ou comme traducteur, ou comme (jeune) auteur-chercheur, révélant autant de manières différentes de dire « je » : sérieuse, drôle, savante, parfois « scolaire », parfois assertive, passionnée ou inquiète. Un deuxième cadre dans le cadre est dessiné par l’introduction et la conclusion.

L’introduction tente de donner une orientation au volume en articulant la notion d’auteur (ou, suivant Foucault, la « fonction-auteur » [18]), historiquement fluctuante, à celles d’auctorialité et d’autorité pour aborder le problème de la subordination du traducteur à l’auteur. Cependant, les situations de traduction collective et celles où la technologie numérique interfère avec le processus de traduction conduisent à remettre en question l’idée de transparence (qui va de pair avec celle d’invisibilité). Mais, inversement, la visibilité du traducteur fait-elle de lui un auteur ? Lorsque le traducteur est aussi un auteur, ou l’inverse, quel est le rôle de la traduction dans la fabrication de l’œuvre ? Quel est le statut du texte lorsqu’il est écrit, puis traduit par la même personne ? Les différentes manières dont le traducteur exerce son autorité, se rend visible, ainsi que le rapport essentiel à l’écriture et au texte seront développés au fil des six parties. La première (deux articles, l’un de Serge Chauvin, l’autre de Jean-Jacques Lecercle) s’attache à la dialectique entre transparence et autorité ; les trois contributions de la deuxième partie (Cécile Serrurier, Claire Wrobel, Mylène Lacroix) considèrent le traducteur dans sa fonction de « passeur » et d’intermédiaire entre l’auteur et le lecteur ; l’« écrivain traduisant », ou le « traducteur écrivain » est le sujet de la partie suivante (Emily Eels, Jean-Pierre Naugrette, Juliana Lopoukhine), tandis qu’une variante de la même question, quand l’auteur s’auto-traduit, fait l’objet de la quatrième section (deux articles : Laëtitia Saint-Loubert et Pascale Sardin) ; les deux dernières sections avancent un peu plus loin sur le gradient de l’autorité en mettant en lumière les stratégies déployées pour se rendre visible, soit en imposant son autorité (articles de Julie Loison-Charles et Audrey Coussy), soit en jouant avec un original, qu’il soit inventé ou mécaniquement trituré par certains procédés de traduction automatique (Bénédicte Coadou et Arnauld Regnauld).

La conclusion offre une synthèse des problèmes construits dans chacune des parties et replace l’ensemble du volume sous l’autorité de Michel Foucault, refermant ainsi la boucle de la problématique telle qu’elle est amorcée dans l’introduction. Elle conforte l’idée que la figure de l’auteur-traducteur est tout entière dans le trait d’union matérialisant une distance, celle de l’entre deux de l’écriture.

I. La traduction entre transparence et autorité

Serge Chauvin (« Le traducteur, auteur sans œuvre ou auteur sans style ? ») défend l’idée d’une hiérarchie entre l’activité d’écrire et celle de traduire. Même si le droit français reconnaît au traducteur, tout comme au metteur en scène de cinéma, un statut d’auteur, le traducteur ne peut être que « co-auteur d’une œuvre seconde, qui n’est que l’avatar asymptotique d’un original dont il n’est pas l’inventeur » [28]. Un adepte des deux pratiques ne sera pas reconnu, selon Chauvin, « à dignité égale » comme auteur et comme traducteur [28]. Chauvin en veut pour preuve le cas d’un éminent traducteur, Maurice-Edgar Coindreau, réputé comme « passeur » de la littérature américaine moderne et pour « le soin scrupuleux avec lequel il écrivait le français » [29], mais qui ne se voulait pas écrivain pour autant : « c’est en se niant comme auteur pour mieux désigner les vrais auteurs que Coindreau pouvait justement faire autorité » [29]. La traduction de la Série Noire est un autre exemple d’écriture dont le caractère homogène devient un marqueur de genre. L’usage de la langue fait par les traducteurs « date » les traductions, les « historicise ». Même constat pour les auteurs-traducteurs connus comme écrivains et qui, de ce fait, apportent leur caution littéraire à l’œuvre traduite : lorsque, par exemple, des écrivains « traduisent la lettre », ce geste transgressif, c’est parce que leur « autorité » d’écrivain le leur permet. Elle les autorise même à s’approprier, sinon annexer, l’œuvre de l’auteur traduit, comme a pu le faire un Yves Bonnefoy pour lequel la traduction est « expérience » et « trajectoire personnelle ». Au bout du compte, cette façon de traduire fonde un style. Le traducteur « s’écrit à travers l’autre » [37].

La toute première phrase de l’article suivant, de Jean-Jacques Lecercle (« La traduction saisie par le nonsense »), en résume la problématique : « Saisie par le NONSENSE, la traduction se voit directement poser la question de la transparence ou de l’autorité du traducteur, sous la forme d’un gradient, d’un paradoxe ou d’une contradiction » [39]. On part cette fois du texte, de nonsense en l’occurrence, de par sa nature même non traduisible, pour aller vers la position du traducteur : transparent lorsqu’il transcrit (ou réplique) le texte (qui, par conséquent, se traduit lui-même), auteur lorsqu’il le transpose, au risque d’y perdre « sa qualité de traducteur » (d’où le paradoxe). Lorsque le texte est dépourvu de sens (nonsense radical), la transcription est la seule solution : « le traducteur s’efface totalement devant le texte » [39].

La démonstration de Lecercle, qui, soit dit en passant, s’amuse et nous divertit, prend appui sur quatre textes qu’il s’efforce de traduire. Ces textes manifestent quatre degrés de nonsense, depuis un poème fait de symboles prosodiques, du poète allemand Christian Morgenstern, jusqu’à la première strophe bien connue de « Jabberwocky » en passant par du lanternois (Morgenstern aussi) et un texte mélangeant du lanternois, du charabia et du baragoin (Edward Lear). Leur traduisibilité – ou intraduisibilité – tient à la qualité de leur « idiome » qui n’est pas une langue naturelle pour les deux premiers, et qui inclut des aspects linguistiques pour les deux autres. En dépit de cela, ces textes qui annulent l’idée même de gradient, et plus particulièrement ceux qui font « proliférer les interprétations » (« affect spécifique du texte nonsensique » [41]), attisent le désir de traduire : « Mon désir de traduction n’est que le reflet de ce désir d’interprétation par besoin de sens : si l’auteur abdique son autorité, il faut que je me fasse auteur moi-même – la traduction est une nécessité, au risque de cet excès d’autorité que l’on nommera trahison » [41]. Les cinq traductions du dernier texte, « Jabberwocky », vont permettre à Lecercle de progresser sur son gradient, de la traduction intra-linguale de Carroll lui-même – qui n’est pas une véritable traduction (premier cas) — jusqu’à la sienne, puisqu’aucune de ces cinq traductions, avant la sienne (qui instaure « l’autorité absolue du traducteur » [51]), n’est pleinement satisfaisante. Dans le deuxième cas, l’anglicité du texte a totalement disparu (Henriette Rouillard, 1935) ; dans le troisième, c’est la nature poétique du texte anglo-saxon qui s’efface (Philippe Rouart, 1984) ; la quatrième, d’Henri Parisot (1968), quand bien même elle ferait du traducteur un auteur, est trop parfaite ; celle d’Antonin Artaud, enfin, dérape et délire, rapprochant néanmoins le traducteur du pôle « autorité » du gradient. Donc, « La traduction saisie par le nonsense oscille entre deux pôles contradictoires, l’impossibilité de la traduction et la nécessité de la traduction ». Lecercle s’attache ensuite à expliquer cette contradiction à l’aide de la dialectique interpellation / contre-interpellation (4) : le traducteur, interpellé par le texte source, qui lui assigne sa place de traducteur, fidèle et transparent, le contre-interpelle en retour affirmant ainsi son autorité de traducteur, ce qui s’appelle « un style » : « ce que le traducteur met en œuvre, dans la dialectique de la transparence et de l’autorité, c’est un style » [53] (notre soulignement).

Un dernier détour mérite qu’on s’y arrête : Lecercle décrit et commente quelques planches humoristiques publiées par The Guardian lors de la brève interpellation de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bétancourt (2014). Le texte des bulles, en français, est un calque de l’anglais (par ex. « Pissez-vous en »), autrement dit « le texte est à la fois un texte français et la traduction, ‘mauvaise’ parce que littérale, d’un texte anglais » [54]. Les deux pôles, transparence et autorité, sont confondus ici avec ceci en plus, que l’exemple cité ici, « Pissez-vous en », calque de « Piss off », est aussi la traduction intralinguale en français de « Casse-toi, pauv’ con ». Le lecteur cible (anglophone) est « sommé » de prendre conscience de l’écart entre sens littéral et sens pragmatique ; il en est de même pour le lecteur francophone… Où l’on retrouve le paradoxe : « La fonction du véritable traducteur est donc de minorer tant la langue source que la langue cible, ce qui est une façon de les célébrer l’une et l’autre – là est la grandeur de la traduction, et son importance politique comme lingua franca de l’Europe » [55].

Ces deux premiers articles se déploient à partir d’un surplomb inversé. Le premier prend comme point de départ le statut auctorial du traducteur, le second s’appuie sur le texte à traduire et les traductions qu’un traducteur en propose. Tous les deux en viennent à affirmer que le « véritable » traducteur se reconnaît au « style », non pas au sens d’idiome personnel qui imprimerait une marque au fil des traductions effectuées, mais au sens de liberté par rapport à une langue contraignante, au sens de jeu méta-linguistique entre transparence et « fidélité » ou « loyauté ».

II. Traduction et transmission

Les articles de la deuxième partie n’apporteront pas encore de réponse à la question du statut du traducteur sinon que les situations décrites semblent donner raison à Michel Foucault cité dans l’introduction : il n’y a pas d’auteur mais une « fonction-auteur », quel que soit le statut de celui qui écrit, auteur ou traducteur, et celle-ci revêt différentes formes. Elle peut être à facettes (poète-traducteur-anthologue), multiple ou dédoublée (auteur et éditeur-traducteur), collective (crowdsourcing). Dans les trois cas, les fonctions de transmission et diffusion de la littérature de la traduction en sont confirmées.

Les trajectoires littéraires de deux poètes, l’un brésilien, l’autre mexicain, sont décrites en détails par Cécile Serrurier (« Autorité et auctorialité du poète-traducteur-anthologue : Raimundo Correia et Balbino Dávalos, passeurs de poésie française au Brésil et au Mexique »). Les activités de l’un et l’autre auteurs illustrent la part de la traduction dans la constitution d’un système littéraire d’une part et manifestent un jeu subtil entre autorité et auctorialité d’autre part. Cumulées, les activités de poète, traducteur et anthologue ont permis au brésilien Raimundo Correia (1859-1911), qui traduisait surtout de la poésie française (notamment Le Parnasse contemporain), de contribuer à la reconnaissance de « la nature intertextuelle de la création littéraire » [62] puisque les recueils publiés mêlaient traductions et créations propres suivant un ordre choisi par le poète. Dans des périodes d’effervescence littéraire où les revues et périodiques jouent un grand rôle dans le renouveau littéraire, il arrive bien souvent que des traductions soient publiées dans ces magazines et journaux. C’est le cas des premières traductions publiées du poète-diplomate mexicain Balbino Dávalos (1866-1951), juriste et professeur, qui a participé à l’éclosion du modernismo hispano-américain. Il a notamment publié deux recueils de traduction de poésies du français pour l’un, de l’anglais pour l’autre, dont le choix des textes manifeste une préoccupation historique tout en dessinant « un itinéraire singulier » [70]. Ces deux poètes-traducteurs se sont construit « une forme d’autorité au sein du pôle cosmopolite de [leur] champ littéraire » [75].

L’article suivant est consacré à Jeremy Bentham. Dans le cadre de la question posée par cet ouvrage, son « cas » est particulièrement intéressant : indifférent à la publication de ses écrits, c’est à son entourage et à ses traducteurs qu’il confiait le soin de les publier. Par ailleurs, comme l’explique Claire Wrobel (« Stratégies de la traduction dans l’œuvre de Jeremy Bentham (1748-1832) »), Bentham lui-même a fait ses premiers pas d’auteur en traduisant quelques textes, notamment Le Taureau Blanc de Voltaire, et en transposant dans un anglais compréhensible les célèbres textes juridiques de William Blackstone pour mieux en démonter le caractère obscur, sinon trompeur, sous le titre A Fragment on Government (d’abord publié de façon anonyme). Pour Wrobel, il s’agit, dans ce cas, d’une utilisation politique de la traduction, par le biais des commentaires. Bentham sera à son tour « édulcoré », « réécrit » par les traducteurs auxquels il confie le soin non seulement de traduire, mais d’« éditer » son texte. Ainsi, l’un de ses traducteurs pour le français, Étienne Dumont, qui a contribué à la renommée de Bentham dans l’Europe des Lumières, a pris des libertés lors de la mise en forme du texte de Bentham, tout en revendiquant une fidélité à la pensée de Bentham. Cet infléchissement de la pensée de Bentham, constaté par Bentham lui-même, brouille la frontière entre les fonctions de traducteur et d’auteur : « Le traducteur, loin d’être cantonné à un rôle secondaire, est ici celui qui permet à l’auteur d’émerger » [93]. De même la traduction en anglais de ces textes « édités » et traduits en français en modifient la réception par le lectorat anglophone de l’époque. La ré-édition contemporaine des textes-sources de Bentham devrait alors « ouvrir une meilleure vue d’ensemble de l’œuvre de Bentham, d’en évaluer la cohérence, d’en identifier les évolutions et les revirements avec précision » [94-95].

Autre auteur immense, William Shakespeare, dont le prestige s’étend à ses traducteurs, souvent de grands noms de la traduction. Retraçant l’histoire de la traduction shakespearienne depuis Voltaire jusqu’à notre époque contemporaine, Mylène Lacroix (« Des grands noms aux ‘anonymes’ : Vers une démocratisation de la traduction shakespearienne ? ») montre que ce prestige est aujourd’hui concurrencé par le développement de la traduction « en collectif ». Jalonnée de grands noms de la littérature, poètes, dramaturges, cinéastes, metteurs en scène et même hommes politiques, cette histoire se voit chamboulée par une diversification des traducteurs, au XXe siècle en particulier, femmes, universitaires, traducteurs littéraires professionnels et, au XXIe siècle, par des initiatives de traduction collective et collaborative. Ces dernières mettent en question le concept d’auctorialité et la figure même du traducteur dans la mesure où ces traducteurs, professionnels ou non, appartenant à une « communauté d’internautes » ne sont pas rémunérés et contribuent ad infinitum à une traduction qui est « évaluée » en continu par les internautes. Lacroix présente deux projets : le premier, mis sur pied par Tom Cheesman à l’Université de Swansea, consiste à retraduire Shakespeare en comparant les traductions produites en de multiples langues (en l’occurrence 34 langues de traduction) ; le second (qui n’a pas été mis en œuvre) avait pour ambition de produire une traduction polyglotte (au moins 5 langues) de Hamlet et visait à « créer un auteur collectif à l’échelle mondiale ». Les traductions produites sous forme de « posts » sur le site devaient être soumises à un comité éditorial constitué de traducteurs de renom. Autrement dit, le traducteur anonyme perdait le contrôle de son auctorialité, alors dévolue aux traducteurs « patentés ». L’auteur voit dans ces tentatives un renouvellement de la traduction, comme le souligne la dernière phrase de l’article : « Aujourd’hui, la traduction littéraire est davantage perçue comme un processus, dont le résultat est toujours éphémère, toujours perfectible » [112]. On se demandera cependant si ce constat est véritablement nouveau, tout traducteur sachant pertinemment que la traduction est, par nature, un processus et que son résultat est (relativement) éphémère, appelant tôt ou tard, son renouvellement

Ces trois articles mettent en lumière la perméabilité entre les statuts d’auteur et de traducteur et l’instabilité de la figure du traducteur prise dans un sytème littéraire historiquement daté. Soit l’écrivain intègre la traduction à son œuvre, soit le traducteur déforme la source pour y intégrer ses propres idées, soit encore le traducteur voit sa propre traduction disparaître dans une version collective qui le renvoie, sans pitié, à son « invisibilité »…

III. Du traducteur à l’auteur

Dans la continuité de la partie précédente, les trois articles suivants illustrent la perméabilité des fonctions d’auteur et de traducteur.

Le titre de la contribution d’Emily Eels, « Du côté de Lydia Davis : Entre traduire et écrire », parodie partiellement le titre de Proust, Du côté de chez Swan, dont la traduction par la nouvelliste et traductrice américaine Lydia Davis est analysée en fin d’article car elle résume le vagabondage – ou l’errance – de l’auteur entre traduction et fiction, l’objet même de l’article. Il ressort de cet article que le va-et-vient entre traduction et fiction est une expérience qui permet à l’auteure américaine de faire de la traduction même un thème d’écriture fictionnelle, les courtes fictions de l’auteure insérant plus ou moins fidèlement des bribes de traductions. Les textes qui en résultent et qu’Emily Eels qualifie d’ « entretextes » sont à la fois de première et de seconde main, mais ils apparaissent surtout comme autant d’exercices de lecture, ramenant l’auteur et le traducteur à cette première énonciation qu’est la lecture.

La lecture est également cruciale pour Jean-Pierre Naugrette, traducteur et auteur de romans. Dans son article, « Dans les nœuds du texte : Traduire Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde comme expérience de ré-écriture », il poursuit une réflexion sur sa propre écriture romanesque, à partir de la relation entre la traduction et l’écriture d’un premier roman. Écrit dix années après la traduction en 1988 du conte de R. L. Stevenson, Strange Case of Dr Jekyll and Mr Hyde (1886), Le Crime étrange de Mr Hyde (1998) semble la prolonger, non pas à la manière d’une apostille ou d’un post-scriptum mais en exploitant ce que la traduction a dû laisser de côté. Les « nœuds » du texte de Stevenson, appréhendés comme autant de difficultés de traduction, sont à l’origine du désir d’écriture : dé-noués par une lecture sans concessions, ils révèlent les « possibles » du texte qu’une sensibilité et une imagination exacerbées par un rendu de l’original imparfait vont transformer en fiction. La langue opaque du texte est décortiquée de façon à initier un autre récit à partir d’un autre point de vue auquel la fiction donne une voix, ce qu’explique l’auteur à l’aide de deux exemples de segments particulièrement significatifs. Ce que la traduction a manqué se déploie dans l’espace d’une ré-écriture de l’original : « Dans ce nouvel espace, le traducteur devenu romancier a enfin le droit de trahir l’original, non pas en défaisant les nœuds du texte […] mais en les déplaçant, en les arrangeant autrement […] », ce qui ne se fait qu’au prix d’une lecture continue du texte original, de ses nombreuses critiques et analyses et de l’œuvre de son auteur.

Il sera aussi question de trahison dans l’article de Juliana Lophoukine, « Jean Rhys traductrice : Positions ex-centriques ». Lophoukine constate que Jean Rhys, auteure et traductrice, n’occupe pas la position centrale que ces fonctions, par rapport à l’écrit publié, confèrent. Auteure, elle s’est trouvée reléguée « à l’écart du canon » [150] par la critique jusque dans les années 1960 ; traductrice, des stratégies éditoriales à visées commerciales l’ont spoliée. Au lieu de faire figurer le nom de Jean Rhys sur la page de titre, l’éditeur le remplaçait par celui de l’auteur, plus « vendeur » que celui de la traductrice (en l’occurrence Ford Madox Ford dont elle avait été la maîtresse, pour la traduction de Perversité de Francis Carco). Ce fut également le cas de la traduction du texte de son ex-mari Jean Lenglet, Sous les verrous, qui parut en Angleterre sous le titre de Barred en 1932 (avant l’original français) sans qu’aucun nom de traducteur / traductrice ne soit mentionné. Toutefois, selon l’auteure de l’article, cette situation peut être retournée et « l’effacement de la traductrice devient une position paradoxale, insistante et résistante, qui ébranle le système de hiérarchies contraintes entre auteur et traducteur » [151]. Les écarts entre les originaux et leur traduction manifestent en effet une « infidélité radicale à un idiome singulier » [155] pour le premier, dont la traductrice modifie le registre de langue, et pour le second, ils révèlent l’écrivain Jean Rhys à travers une « réécriture » [158] qui, de l’avis unanime de la critique, en fait un bien meilleur roman que Sous les verrous. Ces écrits de Jean Rhys, « traductrice fantôme » ou « écrivain fantôme » [161-162], « brouille[nt] les liens de filiation entre texte et auteur » [164], et par conséquent entre les fonctions même de traducteur et d’auteur qui, en l’occurrence, se confondent.

IV. Auteur-traducteur et auto-traduction

Deux articles, dans cette partie, proposent un cheminement sans doute plus théorique. L’analyse de l’autotraduction s’appuie sur des concepts comme la « bifocalité », la « transculturation », la « trans-lation », la « trans-fusion » (premier article) permettant de théoriser le contact des langues et cultures – langues indigènes, langues de l’enfance, langue de la culture d’accueil – et l’inter-contamination linguistique qui manifeste la formation d’une identité hybride.

Laetitia Saint-Loubert (« Réécritures bifocales : Trans-lations et trans-fusions portoricaines dans les autotraductions de Rosario Ferré et Esmeralda Santiago »), faisant appel à de nombreux concepts théoriques, compare la trajectoire de deux femmes écrivaines originaires de Porto Rico, Rosario Ferré et Esmeralda Santiago, hispanophones et américanophones. Ces dernières passent d’une langue à l’autre, l’écriture et la traduction coïncidant dans une écriture « bifocale », signe d’une double appartenance qui fait coexister « deux créations littéraires distinctes mais complémentaires » [169] comme deux « espaces littéraires transculturels » (idem). Des « corps étrangers » s’immiscent dans les textes des deux auteures : contamination, altérité, parasitage de la langue, la « figure auctoriale » devient « hybride » [172] et les deux versions proposées respectivement par les auteures « s’inter-contaminent » et perdent leur statut d’original. La directionalité d’un original vers sa traduction ne fait plus sens. Si la comparaison de la production des deux auteures montre qu’elles adoptent des stratégies différentes, refus de domestication du texte pour l’une, complémentarité pour l’autre, leur pratique de l’autotraduction est un espace de réflexion sur la double autorité que leur confèrent écriture et traduction. Dans les deux cas : « L’idéal bifocal en traduction consisterait donc à opérer des trans-fusions linguistiques qui marqueraient, précisément, le passage problématique d’un univers à l’autre, bien loin d’un idéal d’invisibilité prôné où la traduction effacerait toute ‘étrangeté du dedans’ » [180]. Cependant, l’égalité des langues, dans un contexte postcolonial en particulier, demeure un objectif idéal et tout choix reste politiquement ou idéologiquement marqué. Dans ces circonstances, l’autotraduction est une voie privilégiée pour s’affirmer « auteur ».

L’article de Pascale Sardin, spécialiste de Samuel Beckett, « ‘I committed myself, rightly or wrongly, in order to clinch the affair’ : (Auto-)traduction, enjeux d’autorité et marchandages dans la correspondance de Samuel Beckett entre 1929 et 1965 », s’attarde davantage sur l’autotraducteur que sur l’autotraduction. La correspondance de Beckett montre en effet que la question du statut de l’auteur et du traducteur n’est peut-être pas aussi déterminante que cela ou qu’en tout cas les distinctions qui en résultent, n’ont aucune importance au regard d’une œuvre entière, constituée de textes plus ou moins marginaux, plus au moins centraux par rapport au canon littéraire, mais constitutifs de l’œuvre aux yeux de son auteur. Beckett ne se proclamait ni « écrivain bilingue », ni « auto-traducteur », mais écrivain, et toute pratique d’écriture, en particulier la traduction ou l’autotraduction, lui était utile pour se faire connaître là où il le souhaitait, acquérir ce statut d’écrivain, en particulier en France où il avait choisi de vivre. Relations, collaborations, choix ou renoncements stratégiques, les lettres de Beckett révèlent l’ambivalence des fonctions de la traduction, à la fois activité « alimentaire » et accès au « système » littéraire français, réponse aux hésitations entre l’écriture en anglais et la création en  français. Elles révèlent aussi le jeu entre personne publique et personne privée au service de ses intérêts d’auteur reconnu.

Ces deux articles abordent la question soulevée de la dialectique de l’auteur et du traducteur de façon indirecte en expliquant comment des écrivains passent d’une activité à l’autre et pour quelles raisons, des plus pragmatiques aux plus esthétiques. Il apparaît ainsi que la traduction et l’auto-traduction ne peuvent être séparées de leur activité d’écrivain, poète, dramaturge ou romancier et qu’alors c’est toute l’œuvre qui confère la qualité d’auteur à l’écrivain qui la construit.

V. Quand le traducteur impose son autorité

On l’a vu avec Jean Rhys ou Samuel Beckett, le tempérament de l’auteur-traducteur détermine aussi une attitude vis-à-vis de l’une et l’autre activité, écrire et/ou traduire. C’est cet aspect que la cinquième partie met en lumière.

La réflexion de Julie Loison-Charles (« ‘A Frenchified Russian dresses like an English fop’ : la traduction de Evgenij Onegin par Vladimir Nabokov ») vient enrichir le corpus des études nabokoviennes. L’œuvre de Vladimir Nabokov, qui maîtrisait plusieurs langues, a inévitablement à voir avec la traduction. Elle « s’inscrivait dans la continuité de son activité littéraire » [199], nous dit l’auteure. Elle en était « un prolongement essentiel » (ibid.). Traducteur, auto-traducteur, il avait sa « théorie » de la traduction et sa traduction de Evgenij Onegin comprend non seulement le texte traduit mais une somme de notes dont le volume est plus important que la traduction elle-même. Publiée alors qu’il est au faîte de sa carrière, elle porte l’empreinte de son style et, tout particulièrement, de son multilinguisme. La traduction produite par Nabokov est délibérément « défamiliarisante » : russification de la syntaxe anglaise et gallicisation du lexique, comme dans sa pratique d’écrivain. L’ombre de l’auteur plane donc sur celle du traducteur et relègue même, pour ainsi dire, celle de l’auteur Pouchkine au second plan. Malgré tout, et cela peut apparaître comme une contradiction, cette traduction, qui s’apparente à une traduction interlinéaire, permet au lecteur de découvrir le texte russe, et par conséquent son auteur. Auteur et traducteur sont alors également présents, également visibles. Les choix de vocabulaire, en particulier emprunté au français, notamment pour mettre en lumière l’importance de la culture française dans la Russie de Pouchkine, sont caractéristiques de la prose de Nabokov. Le traducteur Nabokov travaille main dans la main avec l’auteur Nabokov. Il apparaît alors difficile d’établir une quelconque hiérarchie entre auteur et traducteur ; c’est au point que Pouchkine est travesti en Nabokov, lecteur avant tout sensible au multilinguisme de l’original.

Dans un autre registre, Audrey Coussy, « Afficher sa plume : Quand René Belletto traduit Tim Burton dans une édition bilingue », cherche à montrer qu’une édition bilingue modifie les conditions d’écriture et de réception de la traduction. L’article s’attarde très longuement, dans une première partie, sur la question des effets d’une édition bilingue sur la lecture, puis sur la spécificité de la traduction de la poésie qui, selon l’auteure, permet au traducteur de se positionner en tant qu’auteur. Enfin, Coussy situe Tim Burton, l’auteur de The Melancholy Death of Oyster Boy & Other Stories, ainsi que l’ouvrage dans le contexte du genre auquel il appartient (le nonsense). On en vient ensuite à la question de la traduction par René Belletto, l’objet annoncé de l’article. Dans cette partie, l’auteure adopte la même méthode d’une description exhaustive, en donnant de nombreux détails sur les écrits de Belletto et son approche de traducteur, avant de proposer un éclairage sur la façon de traduire de Belletto qui, selon l’auteure, « tire le poème à lui au lieu d’aller vers lui » [233], mais en oubliant l’écoute de sa propre langue. Ce faisant, le traducteur brise également les « codes » de l’édition bilingue en refusant de faire « une traduction-introduction » et en proposant à la place « un texte alternatif au texte d’origine », assimilé à une création.

Ces deux articles exposent l’intrication des différentes activités impliquées par la traduction – lecture, interprétation, mise en texte – qui rend plus difficile la clarification de la dialectique auteur-traducteur. La complexité de cette relation est encore mise en évidence dans la sixième et dernière partie dont le titre met aussi l’accent sur le traducteur (qu’il soit vrai ou faux).

VI. Vrais-faux traducteurs 

Avec Bénédicte Coadou (« Quand Cervantès se mesure à Héliodore : Traduction(s), pseudo-traduction et création ») et son étude sur Cervantès et son Persilès, on voit que la dialectique de l’auteur-traducteur déborde largement la question d’une simple reconnaissance des qualités de l’une et l’autre figures ou d’une simple hiérarchie. Dans l’Espagne de Cervantès, la question du statut de l’auteur est encore associée à l’Antiquité, à la supériorité des langues de l’Antiquité sur les langues vernaculaires, à la place éventuelle des auteurs qui écrivent en langue vernaculaire (en l’occurrence le castillan) parmi les auteurs de l’Antiquité. L’on sait que la figure du pseudo-traducteur est attachée à l’auteur du Don Quichotte, l’on sait sans doute moins que l’artifice est repris dans un autre ouvrage, le Persilès, considéré comme son testament littéraire. Dans ces deux ouvrages, Cervantès s’attache à semer le doute sur la paternité de l’ouvrage « matérialisée par la présence conjointe du titre d’un ouvrage et du nom de l’auteur » [239] en présentant la fiction comme une traduction. Cette stratégie délibérée présente bien des avantages :

…il est certain que le pseudo-traducteur offre un masque qui permet de diluer la responsabilité et le travail de l’auteur, mais qui permet aussi de justifier l’introduction d’importants passages métatextuels dans les livres. Par ce biais, Cervantès invite ses lecteurs à s’interroger sur la hiérarchie […] entre les langues, les œuvres et les auteurs dignes d’être traduits. [241]

On ne traduit pas, en effet, n’importe quel texte dans l’Espagne des Siècles d’Or et « le véritable auctor reste l’écrivain ancien » (idem). La pseudo-traduction est ainsi prise dans un ensemble de relations littéraires avec des textes antérieurs et joue sur l’attirance du public pour ces textes (voir Le Persilès et l’Histoire œthiopique de Héliodore). Pour le Persilès, Cervantès se fonde sur les travaux des traducteurs de Héliodore (l’Histoire œthiopique) pour proposer une version satisfaisante en castillan et en prose du poème épique. Il s’en inspire (et particulièrement de sa traduction par Jacques Amyot) pour écrire sa propre version du roman d’aventures et d’épreuves. L’auteur Cervantès sait ce qu’il doit aux traducteurs, artisans de la diffusion des ouvrages, inspirateurs des « continuateurs » des ouvrages; il sait aussi que « le traducteur façonne tout autant le lecteur que l’auteur […] » [251]. Cervantès, c’est bien l’histoire d’une relation nouée entre auteur et traducteur.

Dans un dernier article, également fascinant, « Locus Solus, remix : Amerika la dérive », Arnauld Regnauld démonte les mécanismes de la traduction de Locus Solus de Raymond Roussel par Mark Amerika. Ce dernier pourrait bien être l’un de ces « continuateurs » fustigés par Cervantès pour leur opportunisme littéraire. Amerika revendique à la fois une « démarche traductive » particulière usant d’algorithmes de traduction automatique, une « inappropriation » de sa traduction, pour la simple raison que le sens du texte original lui échappe complètement (Regnauld lui préfère le terme impropriété qu’il combine avec le mot inappropriation : "inappropriation-impropriété" [255]). En d’autres termes, Amerika fait entrer la traduction dans le monde du virtuel, de l’hypertexte connecté en dissociant le produit de son matériau et en inscrivant la « différance » dans cette forme d’écriture. Regnauld, qui insère dans son article un passage du texte et de sa traduction, interprète lui aussi ce travail à la lumière de Derrida et Benjamin : dérivation, récursivité, ouverture du texte « depuis l’avenir » et subjectivité composite nourrie de relations intertextuelles qui s’agencent en réseaux orientés vers une traduction « abusive (5) » [258]. Selon Regnauld, « […] Mark Amerika transforme l’acte de traduction en une métafiction performative qui ne cesse de faire retour sur elle-même […] » [258] ; et cela, en se réappropriant et en testant les procédés mêmes exploités par Raymond Roussel décrits dans son texte théorique Comment j’ai écrit certains de mes livres. Ce travail d’élucidation conduit l’auteur de l’article à interroger le traduire plutôt que la traduction sous l’angle de l’hantologie de Derrida, de la composition algorithmique et des effets de l’utilisation de la traduction automatique.

À plusieurs siècles de distance, par le biais des stratégies mises en œuvre, Cervantès et Amerika cherchent finalement à comprendre les mécanismes de l’écriture. L’un et l’autre détournent alors un matériau original de sa finalité initiale pour générer « un nouveau potentiel de bifurcations narratives » [264]. Cervantès, le pseudo-traducteur, Mark America, le « remixer » de la relation entre auteur et traducteur, sont, chacun à leur époque, des innovateurs, des chercheurs, des théoriciens.

Conclusion

On ne lira pas cet ouvrage collectif, dense et fouillé, d’un seul trait ; son organisation n’est pas linéaire. On choisira plutôt telle ou telle facette du problème en s’inspirant du titre de l’une ou l’autre des six parties qui le constituent. On en retiendra l’impossibilité de penser cette dialectique de la relation auteur(s)-traducteur(s) sans l’historiciser, sans la contextualiser. On décidera de garder ou non le trait d’union. On retiendra les cheminements personnels  que l’on réfléchit et théorise. On observera que les auteurs des articles, s’ils font appel aux références traductologiques et littéraires classiques (Berman, Meschonnic, Venuti, Folkart), s’appuient également sur celles, plus philosophiques, d’auteurs comme Benjamin, Derrida ou Foucault. C’est comme si on assistait là au tournant philosophique de la réflexion traductologique amorcé déjà notamment par Venuti aux États-Unis. On retiendra enfin l’ouverture à d’autres mondes et d’autres langues que l’anglais et le français : le castillan de l’Espagne des Siècles d’Or, l’espagnol contemporain du Mexique et du monde caribéen, le portugais du Brésil, les langages algoritmiques du XXIe siècle. En somme, pour tout dire, ce volume recèle quelques trésors.

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(1) Expression empruntée à L. Venuti dont l’ouvrage The Translator’s Invisibility : A HIstory of Translation (Routledge, [1995] 2008) est fréquemment cité dans les articles.

(2) Auteurs-traducteurs : La fabrique de l’écrivain, 8-9 janvier 2016, colloque organisé dans le cadre des activités du groupe TRILL par Christine Berthin et Laetitia Sansonetti, Université Paris Ouest Nanterre La Défense.

(3) Titre italien : Solo andata (Milan : Feltrinelli, 2005, 2014).

(4) Voir Lecercle, Jean-Jacques, Interpretation as Pragmatics. London: Macmillan, 1999, chap. 6.

(5) Sans doute ce terme est-il emprunté au titre de l’essai de Philip E. Lewis : « Vers la traduction abusive » in Les fins de l’homme. Paris : Galilée, 1981 : 253-261. Voir aussi The Measure of Translation Effects, in Venuti, Lawrence (ed.) The Translation Studies Reader. New York and London: Routledge, [2000], 2004 : 256-275.

 

 

 

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