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The Pragmatics of Personal Pronouns

 

Edited by Laure Gardelle & Sandrine Sorlin

 

Studies in Language Companions, vol. 171

Amsterdam: John Benjamins, 2015

Hardcover. vi+337 pp. ISBN 978-9027259363. €99

 

Recension de Catherine Douay

Université de Picardie Jules-Verne (Amiens)

 

 

Ce volume de 337 pages (publié en 2015), entièrement rédigé en anglais, rassemble une sélection des communications présentées lors d’un colloque international tenu à l’ENS Lyon en avril 2014 (Personal pronouns in Linguistics and Stylistics). Comme l’expliquent  les éditrices L. Gardelle et S. Sorlin, l’objectif de ce colloque était de s’intéresser aux fonctions pragmatiques des pronoms personnels plutôt qu’à leur valeur strictement linguistique en langue d’où le titre du volume The Pragmatics of Personal Pronouns. Les différentes études portent en majorité sur les pronoms personnels de l’anglais, mais aussi du français, de l’allemand, et du russe. Les articles sont rassemblés en quatre parties de trois à quatre articles chacune, assez bien équilibrées, selon quatre thèmes :

-Personal pronouns beyond syntax : Competing forms in context, qui pose la question de l’interférence pragmatique en contexte spécifique ;

-First and second persons pronouns across genres : Advertising, TV series and literature, à propos de l’interaction P1-P2 et la déixis ;

-Referring to the self and addressee in context and interaction, qui regroupe des études sur le soi, l’identité et la sui-référence ;

-The pragmatics of impersonal and antecedentless pronouns, et le problème de la référence et de l’antécédence non directe, des pronoms indéfinis (fr. on et ang. one) ou des emplois impersonnels de P2.

Les articles, répartis en quatre parties [Chap. 2 à 15], contribuent tous à montrer de façon convaincante que, loin de se limiter à une fonction de simples substituts de noms ou syntagmes nominaux (cf. « substituts abréviatifs » de noms selon la formule de Benveniste), les pronoms personnels renvoient à des stratégies communicatives très spécifiques et jouent un rôle particulièrement important pour le maintien du focus attentionnel (attentional continuity) ou dans le domaine de la déixis sociale. Le choix d’un pronom se révèle en effet souvent un indicateur précis du type de rapport instauré entre les interlocuteurs. Les différents travaux présentés proposent des analyses très fines des exploitations et manipulations subtiles et variées auxquelles se prêtent les pronoms personnels en fonction du contexte où ils sont utilisés (fiction littéraire, publicité, appels aux dons, séries télévisées, communication électronique).

On lira aussi avec grand intérêt le chapitre introducteur des éditrices [Ch. 1], qui offre une synthèse instructive des questions qui continuent à se poser autour de la catégorie des pronoms personnels en général (voir notamment l’absence de consensus sur le statut de la troisième personne et les réinterprétations du phénomène de l’anaphore). Cet ouvrage est en soi très riche et en tout point digne d’éloges, aussi bien quant à sa forme qu’à son contenu sur une question littéralement stratégique en linguistique. Il est aussi bienvenu dans un débat actuel vif autour du sens et de ses paramètres.

Peut-être, d’ailleurs en raison de l’actualité de ce débat, sans que cela enlève quoi que ce soit à la qualité de l’ouvrage, des linguistes pourront-ils noter la vision quelque peu restrictive de la linguistique sur laquelle s’appuient les éditrices. Par exemple, écrivent-elles, « une approche exclusivement linguistique ne peut donner qu’une image partielle de ce que communiquent les pronoms personnels en discours » (a merery linguistic approach can only give a partial picture of what is conveyed by personal pronouns : 15). Il est absolument certain qu’une linguistique formelle de type structuraliste a délibérément refusé l’étude de l’usage. Il est certain aussi que des correctifs de type fonctionnaliste n’ont pas davantage permis de creuser plus avant dans la pragmatique des emplois, y compris interactionnelle. Mais ce type d’approche n’est pas le seul en lice, et dans d’autres problématiques, qu’elles soient énonciativistes, communicationnelles, voire cognitivistes, les notions de forme ou de système n’ont pas la sécheresse et la radicalité qu’on leur prête. Certaines raisons et certains faits poussent même à penser que seule une analyse strictement linguistique, à même d’observer  en même temps le foisonnement de l’usage et les régularités des formes et de certaines significations, peut permettre d’expliquer l’usage sans renier ce que les signes ont de stable. En particulier, il faut une saisie linguistique des phénomènes pour comprendre comment les interlocuteurs parviennent à interpréter les utilisations discursives des signes, aussi « éloignées » ou « déviantes» soient-elles en apparence par rapport à un sens faussement réputé premier.

Puisse donc au contraire cet ouvrage, au lieu d’opposer linguistique et pragmatique comme deux champs d’investigation différents, contribuer à montrer à quel point elles sont complémentaires et, pour tout dire, indissociables. C’est finalement, avec cet angle de lecture, ce qu’il fait magistralement.

 

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