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L’Amérique des images

Histoire et culture visuelles des États-Unis

 

Dirigé par François Brunet

 

Collection Beaux-Arts

Paris : Hazan / Université Paris-Diderot, 2013

Cartonné. 412 pages + 300 illustrations.  ISBN 978-2754106412. 45.00 €

 

Recension de Georges-Claude Guilbert

Université François Rabelais (Tours)

 

 

L’Amérique des images : Histoire et culture visuelles des États-Unis est un magnifique objet. Un coffee-table book comme on en voit rarement, aussi beau qu’intelligent, doté d’une belle reliure, de papier glacé et d’un index utile. Il est publié par les Éditions Hazan en partenariat avec l’Université Paris-Diderot et dirigé par François Brunet, qui y est professeur et qui y a impulsé une forte dimension Études visuelles.

Il est divisé en six grandes parties et vingt-quatre chapitres. Le ton est donné dès la couverture : la jaquette est un détail d’une photographie de la NASA de Buzz Aldrin, le second homme à marcher sur la lune durant la mission Apollo 11 en 1969. Elle est prise par Neil Armstrong. La visière de son scaphandre ne montre rien de son visage mais reflète la mission en général et le module en particulier. Comme un teletubby avant la lettre, un écran dans l’écran, ou du moins une photographie dans la photographie, il nous rappelle les déclarations farfelues mais parfois fascinantes des théoriciens de la conspiration qui estiment qu’aucun homme n’a jamais marché sur la lune, tout étant tourné en studio. Cousu sur l’épaule de Buzz Aldrin, bien sûr, figure en bonne place le drapeau américain, lui-même à n’en pas douter l’image la plus américaine qui soit. D’ailleurs François Brunet écrit : « S’il fallait choisir une image pour résumer ce que l’on a appelé ‘le siècle américain’, c’est à dire le XXe siècle vu sous l’angle de la puissance, réelle et imaginaire, des États-Unis, ce pourrait être celle du cosmonaute Aldrin posant à côté de la bannière étoilée plantée en sol lunaire » [334] La photographie entière apparaît page 294.

En page 2 et en pleine page, un cliché de Charles d’Emery des années 1930 est mis à l’honneur, représentant la sculpture de Lincoln en construction sur le Mont Rushmore. Un ouvrier afro-américain est suspendu à son crâne et semble vouloir lui caresser la joue, comme pour essuyer une des larmes de la guerre de Sécession. Plus satisfaisante encore, la page 6 nous offre une image en rouge et noir de Batman, version dessin animé. Ainsi avant même l’excellente Introduction de François Brunet nous sommes amenés à comprendre que ce bel ouvrage universitaire n’établira pas de hiérarchie malvenue, délaissant tel ou tel pan de la culture populaire, ce qui arrive encore et aurait été désolant dans un ouvrage de 2013 portant un tel titre. Très vite, au cœur de l’Introduction, vient l’affiche ‘Hope’ de la campagne de Barack Obama de 2008, réalisée par Shepard Fairey. Ce street artist est devenu particulièrement célèbre grâce notamment à cette affiche et on l’a vu ensuite dans les musées, avant de trouver des t-shirts dans les boutiques de vêtements pour jeunes estampillés ‘Obey’ avec son graphisme si caractéristique. L’Amérique des images, c’est ça.

Ensuite et jusqu’à la page 139 se succèdent les parties « 1700-1850 : Naissance de l’identité nationale » et « 1840-1900 : L’image s’américanise », rédigées dans des styles élégants mais sans jargon (comme le reste de L’Amérique des images, non réservé à un lectorat universitaire) et regorgeant d’images historiques plus ou moins connues du néophyte.

Dans la partie intitulée « 1890-1930 : L’Amérique se modernise » arrivent entre autres merveilles Lillian Saint Cyr et Dustin Farnum dans The Squaw Man, de Cecil B. DeMille (1913), une publicité figurant Mary Pickford pour Lux, le tableau Razor de Gerald Murphy datant de 1924, si extraordinairement annonciateur du Pop Art, des publicités classiques pour Coca Cola et pour la farine à crêpes d’Aunt Jemina, Lilian Gish, un détail d’un remarquable panneau mural par Thomas Hart Benton, le Brooklyn Bridge de Joseph Stella (1919-1920), etc.

La partie « 1930-1960 : L’ère de la propagande » avait des choix drastiques à opérer et l’on sent que la sélection a été douloureuse. Mais le résultat fonctionne : du Norman Rockwell, du Grant Wood, Rosie the Riveter (J. Howard Miller, We Can Do It !, vers 1942), des images de la Grande Dépression et de la guerre ainsi que du Hollywood qui leur répond, des couvertures de magazine très bien choisies…

La partie « 1960-1990 : L’empire des médias » nous permet de retrouver, parmi de nombreuses images « importantes », une splendide affiche ‘black is beautiful’ de Nina Simone, une affiche psychédélique des Grateful Dead, le célébrissime ‘black power salute’ des vainqueurs olympiques du 200 mètres de 1968, du Robert Rauschenberg, du Andy Warhol, du Robert Indiana et différents paysages urbains significatifs. Les textes sont particulièrement heureux. On nous parle également de Madonna [309] mais il ne figure aucune photographie d’elle dans ces pages, ce qui est regrettable sachant que c’est incontestablement la star de la pop la plus visuelle des années 1980 et 1990. C’est là mon seul reproche.

La partie « 1990-2010 : Les interrogations du présent » commence par un texte contenant quelques lignes auxquelles je ne peux que souscrire pleinement :

 

Parallèlement aux études culturelles (cultural studies), les études visuelles (visual studies) sont alors appelées à renouveler l’éducation en développant une « compétence visuelle » (visual literacy) caractérisée moins par une aptitude à décrypter les images que par la sensibilité à leur fonctionnement dans la vie sociale et aux relations de pouvoir qui s’y exercent. D’où, aussi, une vision antihiérarchique de l’art et de la culture (critique du canon et de la frontière high / low). [235-236]

Cette partie inclut une couverture de Newsweek représentant les ‘twin towers’ en feu le 11 septembre 2001, Michael Jackson, Robert Mapplethorpe (sans censure), deux clichés de Mulholland Drive (David Lynch, 2001), etc. Cette partie s’interroge avec raison, « la révolution numérique a-t-elle eu lieu ? », elle s’interroge aussi sur les « culture wars » et sur « le monde parallèle des séries » télévisées, dont on sait qu’elles ont pris aujourd’hui la place du cinéma à de nombreux égards, du moins en ce qui concerne l’inventivité scénaristique, me semble-t-il.

Les auteurs de L’Amérique des images sont tous connus dans la profession pour leurs recherches, notamment sur les images, en mouvement ou non, et l’on a plaisir à retrouver les plumes d’Anne Crémieux, de Mark Meigs, de Géraldine Chouard, de Jean Kempf, de Penny Starfield ou d’Ariane Hudelet, entre autres. Pour conclure, cet ouvrage s’impose autant pour les bibliothèques universitaires du pays que pour les tables de salon de vos amis dont les anniversaires approchent.

 

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