Back to Book Reviews

Back to Cercles

 

 

 

Les Artistes anglo-américains et la Méditerranée

 

Sous la direction de Christine Reynier

 

Paris : Michel Houdiard, collection « Essais sur l'art », 2010

Broché, 174 p. 20 €. ISBN 978-2-356-92046-1

 

Recension de Jean Viviès

Université de Provence Aix-Marseille 1

 

 

 

La collection « Essais sur l'art », créée par l’équipe de recherche EMMA de l’université de Montpellier 3, nous propose un troisième volume, Les Artistes anglo-américains et la Méditerranée. Conformément à l’intéressant concept de la collection, il offre au lecteur francophone des traductions d'essais inédits d'écrivains et d’artistes de langue anglaise. Tous ces essais se présentent comme des réflexions sur l'art: le roman, la poésie, le théâtre, la peinture, le cinéma, ou encore la musique. Chaque traduction est accompagnée d'une lecture critique destinée à dégager la vision de l’art qui sous-tend ces essais. L’ensemble est présenté de manière agréable et lisible (hormis la bibliographie générale, riche et utile, mais dont la mise en page est peu claire).

C’est la représentation qui est ici au centre du propos, bien davantage que la présence anglo-américaine dans le bassin méditerranéen. On y voit comment un artiste s’est représenté, et a représenté, un pays (Italie, Espagne, Grèce) ou une ville (Venise, Séville, Rhodes). En effet les référents géographiques de ce « personnage complexe » (Fernand Braudel) qu’est la Méditerranée entrent en tension avec toute une culture et des schémas de lecture qui orientent le regard. Ainsi Nathalie Vanfasse montre bien comment le texte de Dickens, « Le Prisonnier italien » (1860), offre, au delà des divertissantes incongruités qui sont la touche propre de l’auteur de Little Dorrit, une représentation très ambivalente, et caractéristique de l’époque victorienne, d’une Italie partagée entre progrès et arriération et entre beauté et laideur.

Christine Reynier, qui a dirigé l’ouvrage, propose une lecture riche d’un texte de la jeune Virginia Woolf, « Venise » (1909), qui se présente comme la recension d’une histoire de Venise due à un historien italien. Le jeu complexe du double regard, inhérent à un texte anglais qui s’appuie sur un autre texte pour évoquer la ville, accompagne la saisie sensible d’une Venise contradictoire, qui fascine le futur auteur d’Orlando, « à la fois isolée et pourtant au centre du monde », privée et publique, telle une conscience-sujet, intime et souveraine. Jean-Michel Ganteau explique de son côté de manière convaincante comment Arnold Bennett perçoit et décrit l’Espagne des années vingt (« En Espagne », 1926) : un territoire catholique, tauromachique, rituel et spectaculaire, qui « dans l’anglicité pousse un peu sa corne ».

Les autres essais, tous aussi de grand intérêt, de et sur George Gilbert Scott (Isabelle Cases), Bernard Berenson (Bénédicte Coste), Lawrence Durrell (Isabelle Keller-Privat), et A.S. Byatt (Laurence Petit), manifestent la même préoccupation d’une lecture critique d’abord assise sur une traduction attentive, et qui restitue à cette Méditerranée son caractère ondoyant et divers, un véritable « espace-mouvement » (Braudel encore) qui transcende et dilue les kantiennes formes a priori de la sensibilité que sont l’espace et le temps. Cet espace entre en dialogue avec celui dont viennent ceux qui y passent et qu’ils transportent mentalement et culturellement avec eux, et il finit par se confondre avec ce(s) dernier(s) pour former un autre espace, littéraire et esthétique où les référents méditerranéens guident le pinceau d’autant d’autoportraits de l’artiste.

 

 

 

Cercles © 2011
All rights are reserved and no reproduction from this site for whatever purpose is permitted without the permission of the copyright owner. Please contact us before using any material on this website.